Paris,
le 2 aout 2000 - Bienvenue dans ce numéro 2000/8
|
|
Orbitz.com : No Future ? | ||
Annoncé il y a maintenant plus de neuf mois à grand renfort de superlatifs et d'innovations majeures dans la façon de vendre du voyage online, nous allions entrer dans l'ère scientifique de l'e-tourisme online. Force est
de constater qu'aujourd'hui ces annonces étaient pour le moins
prématurées. Premier et seul élément tangible, sept mois et demi après l'annonce du projet, T2 a réussi à trouver enfin un nom! Sans aller jusqu'à porter un quelconque jugement sur la qualité du nom Orbitz, plus de sept mois pour en arriver là me paraissent déjà tout à fait symptomatiques d'une économie qui n'a plus rien à voir avec Internet ou que devoir décider à plusieurs n'est pas aussi facile que les initiateurs du projet ont pu le penser. Il faut dire qu'entre 30 participants, qui plus est tous concurrents, trouver un point d'entente commun peut parfois relever de la gageure. Toujours est-il qu'à ce jour, aucune date précise n'à encore été annoncée pour le lancement officiel du site lui-même. |
Orbitz n'est d'ailleurs pas le seul projet dans ce cas, nombre d'entreprises ayant encore quelques réflexes off line en sont encore à annoncer d'avance des projets online qui seront lancés systématiquement en retard ou ne verront parfois jamais le jour. Cela fait plaisir aux dirigeants, parfois à la Bourse mais n'est certainement pas fait pour rassurer les futurs visiteurs qui, lassés de ces annonces à répétition, seront certainement plus difficiles à fidéliser demain. Quelle équipe? L'une des plus grosses barrières à l'entrée pour les nouveaux sites d'e-commerce réside dans leur capacité à attirer à eux les compétences humaines nécessaires à la réussite du projet. Or, pour débaucher les grosses pointures Internet, qui plus est, spécialistes de l'eTravel, l'argent ne suffit pas. De plus, bâtir une équipe qui gagne sur le Web relève d'une alchimie souvent complexe. Sans la présence initiale d'hommes et de femmes de qualité, capables de s'impliquer suffisamment pour transformer un projet en une réelle réussite commerciale, point de salut dans l'e-tourisme d'aujourd'hui. Nous n'en sommes en effet plus aux débuts du Web, l'e-tourisme est désormais affaire de professionnels aguerris aux techniques de l'e-marketing et représenté par des entreprises de taille mondiale. Comment donc ne pas être particulièrement inquiet des déclarations de Jeff Katz devant le Sénat Américain le 20 juillet dernier qui indiquait avoir désormais autour de lui une équipe de 15 personnes pour lancer Orbitz. Précisons que cette équipe était de 8 personnes il y a deux mois ! Lorsque l'on sait que le groupe Travelocity/Sabre représente aujourd'hui 11.000 personnes, comment imaginer qu'Orbitz, petite entreprise de 15 salariés, pourra être à même de concurrencer sérieusement, et rapidement, les professionnels que sont Travelocity, Expedia ou encore eBookers en Europe ? Ce projet est d'ailleurs parti, dès le début, à l'envers. Au lieu de commencer par constituer une véritable équipe et de ne pas attendre 9 mois pour lui trouver un patron, les initiateurs d'Orbitz ont donné les clés de leur projet à une société de consultants, en l'occurrence le Boston Consulting Group. Que l'on fasse appel à des consultants pour affiner sa stratégie online est certes une excellente idée. Leur demander de tenir le rôle de chef d'entreprise et dans un secteur aussi spécifique que l'e-travel n'est pas réaliste. Étant moi-même consultant et expert de l'e-tourisme, je suis bien placé pour savoir que ma véritable valeur ajoutée ne sera jamais de gérer directement les entreprises de mes clients. La valeur ajoutée d'un consultant consiste d'abord en ses facultés d'analyse, de prospective, non de direction. Avoir confié l'ensemble du projet à un groupe de consultants, aussi réputé soit-il, et corrélativement avoir lancé si tardivement le recrutement de l'équipe Orbitz est une deuxième erreur majeure dans la conduite de ce projet. L'expérience online d'Orbitz ? Je considère que l'expérience online, acquise depuis des années par les sites d'e-tourisme, représente aujourd'hui un véritable capital qu'il n'est pas possible de reproduire par un simple copier-coller comme l'on imaginé les initiateurs d'Orbitz. Lorsque l'on connaît les contraintes de charge des grands sites d'e-tourisme, capables de recevoir des millions de visiteurs par mois, on conçoit l'importance de cette réflexion. Orbitz ne possède pas ce capital, ce vécu et pourtant prédit que son site sera une vitrine d'innovations technologiques. On ne peut, à l'heure actuelle, juger du caractère réellement innovant des futurs e-services d'Orbitz qui, selon le site, devraient changer la façon de voyager de ses visiteurs. Mais on peut légitimement se demander, si dans ce cas, ledit visiteur ne sera bêta testeur ? Nouveaux e-services, nouveau site, nouveaux clients. Tout ceci nécessite beaucoup de temps pour être correctement implémenté, pour être rôdé. Ce temps qui sera obligatoirement nécessaire à Orbitz pour gommer tous les bugs inhérents aux nouveaux sites ne lui coûtera t'il pas très cher dans une course au client e-travel déjà amorcée depuis plus de trois ans. Le petit dernier pourra t'il réellement rattraper ses aînés ? Avoir sous-estimé ce point constitue à mes yeux la troisième grande erreur d'appréciation dans le projet Orbitz.com. Comment attirer les clients ? Partenariats et portails. Lorsque vos deux concurrents directs, Travelocity et Expedia pèsent déjà 70% du poids du marché, qu'ils ont réussi à conclure des partenariats exclusifs avec les plus grands portails représentant 90% du flux mondial des internautes, comment espérer peser online avec un site encore inexistant ? Certes, les fondateurs d'Orbitz, à savoir cinq des plus importantes compagnies aériennes américaines (United, American, Delta, Continental et Northwest) annoncent qu'ils enverront leurs clients vers Orbitz. Permettez-moi personnellement de douter de cet angélisme de façade. La bataille de l'e-travel ne se passe pas seulement entre ces compagnies aériennes d'un côté et les méga-portails de l'e-tourisme de l'autre, elle existe également bel et bien entre elles-mêmes et l'on voit mal comment ces compagnies n'enverront pas autrement que du bout des doigts leurs clients vers Orbitz. Penser pouvoir rattraper facilement ce retard commercial est une quatrième erreur majeure du projet Orbitz. Orbitz.com, un nouvel ONU ? Il aura fallu plus de 7 mois pour choisir un nom, plus de 9 mois pour trouver un CEO, 9 mois pour réussir à réunir une équipe de 15 personnes et on ne sait encore combien de mois pour lancer "le" site Web qui révolutionnera la façon de commander ses voyages online. Les initiateurs d'Orbitz ne sont pourtant pas des nouveaux venus du Web. Certains de ces sites ont même déjà dépassé le million de billets d'avion vendus en ligne. Ce n'est apparemment pas non plus l'argent qui manque pour lancer ce projet. Alors pourquoi autant de temps pour n'avoir encore rien présenté de concret ? Mon sentiment est malheureusement qu'Orbitz souffre et va souffrir du nouveau syndrome du Web : Le regroupement "forcé" d'acteurs concurrents face à une menace extérieure. Chaque mois sont annoncés de nouveaux regroupements online d'acteurs majeurs dans de nombreux secteurs économiques tant BtoC que BtoB. Pourtant deux types de motivations bien distinctes sont à l'origine de ces rapprochements de concurrents. Soit nous avons à faire tout simplement à la constitution d'un groupement d'achat dénommé place de marché, soit des acteurs menacés se réunissent pour mieux résister à leurs agresseurs Web. Je ferais ici un rapprochement avec l'Organisation des Nations Unies. Son fonctionnement a toujours été critiqué, considéré par beaucoup comme étant inefficace. Les seuls cas où un début d'union a pu y être constaté ont toujours été liés à une agression d'un pays par un autre, agression suffisamment évidente pour entraîner enfin des prises de décisions véritables avec les résultats que nous connaissons. La place de marché, l'intégration BtoB des achats se justifie économiquement et l'on peut penser que les conflits éventuels entre participants seront "gommés" par les économies d'échelles et de fonctionnement de ce type de partenariat "d'achats". Je reste par contre très dubitatif sur les chances de succès liées uniquement à la réunion "d'agressés" pour faire face à l'offensive Web. Ce type de lien n'étant à mon avis pas assez puissant pour résister aux dissensions et freins de toutes sortes qui ne manqueront pas de se manifester. Ce jugement, valable pour l'ensemble de ce type de regroupements sur le Web s'applique également au projet Orbitz. De plus, des facteurs encore plus perturbant ne vont pas manquer de se manifester chez Orbitz.com, je veux parler du nombre beaucoup trop important de partenaires. Non seulement on compte aujourd'hui une trentaine de compagnies aériennes impliquées dans ce projet mais Jeff Katz, dans son témoignage devant le Sénat Américain, a précisé que si, aujourd'hui, pas un seul membre du projet ne détenait plus de 30% de participation dans celui-ci, ce chiffre tomberait demain à 15% maximum. Réussir un projet à deux n'est pas toujours simple lorsque vous avez des intérêts pas toujours convergents entre vous. A trois, vous obtenez quasi-systématiquement une alliance de 2 contre 1. A 30 et plus le projet risque de devenir tout simplement totalement in-gouvernable. N'oublions pas non plus que, dans le cas d'Orbitz, l'attention soutenue des autorités Américaines à l'égard de la start-up relativement au risque de monopole induit par la réunion de toutes ces compagnies aériennes, ne facilite pas la tâche, ces compagnies n'osant dès lors pas s'impliquer directement dans le projet de façon trop voyante. N'être que difficilement capables de parler d'une seule voix, de prendre des décisions sans arrières-pensées contradictoires entre associés représentera sans doute la cinquième grande difficulté à laquelle Orbitz devra faire face. Hotwire.com : Principal ennemi d'Orbitz.com Orbitz.com n'a pas encore vu le jour que les mêmes compagnies aériennes annoncent la naissance d'Hotwire.com, spécialisé dans les vols à bas prix, dans les bonnes affaires de l'e-travel. Bien entendu, Hotwire ne représente pas totalement le business model d'Orbitz, pour autant il est en concurrence frontale avec l'une des sept promesses, et probablement la plus importante, annoncées par le site Orbitz. Orbitz s'est en effet positionné d'emblée sur ce terrain en promettant d'offrir les meilleures offres, et ce en grande partie en mettant en vente à bas prix les billets invendus de dernière minute. Y voyez-vous une différence avec les annonces faites concernant Hotwire.com ? Hotwire.com représente donc la sixième difficulté à laquelle Orbitz.com sera demain confronté. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, ces six points noirs dans le ciel d'Orbitz représentent à mon sens d'ores et déjà un challenge quasi insurmontable pour assurer le succès futur du site. Ajoutez à ceci que pendant qu'Orbitz en est encore à la gestation, on n'imagine pas que Travelocity et Expedia se contentent de regarder passer les avions sans agir. Alors Orbitz.com, No future ? |
| Haut | Accueil | eCommerce | eChiffres | eFocus | eIndices | Archives | Sites | | © Copyright | Confidentialité | Contact | Rapports | Expertise eShopability | Les Dernières Tendances eTourisme : Abonnement Gratuit Directeur de la Publication de ce Site Internet : Luc Carton |