Paris,
le 20 octobre 2000 - numéro 2000/10
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La France aux Européens, l'Europe aux Américains ? | |||
Le secteur touristique français, dont l'atomisation des acteurs accroît la vulnérabilité, vit depuis plusieurs mois au rythme des annonces de rachat de la part des acteurs européens. eBookers
avait donné le coup d'envoi Internet en reprenant la Compagnie
des voyages, Lasminute
a frappé plus fort avec Degriftour.
Cette fois-ci c'est Preussag
qui entre au capital de Nouvelles
Frontières. Cette suite de prises de participations et rachats devrait avoir un impact structurel positif dans la profession touristique française en lui apportant l'industrialisation qui lui faisait défaut. Sur le Web, l'industrialisation est synonyme d'homogénéisation des systèmes d'information avec les nouveaux standards web : La maîtrise des coûts transactionnels est à ce prix. Mais cette mise à niveau implique souvent une réorganisation complète de l'entreprise. Les budgets nécessaires à celle-ci ne sont donc plus à la portée de nombre d'acteurs actuels du tourisme français qui devront dans les mois à venir soit accepter de nouveaux actionnaires soit... disparaître. Il est en effet évident que l'eTourisme, en offrant au consommateur une grande facilité dans la comparaison des prix, va générer une guerre des prix et des commissions qui aura pour conséquence directe que l'efficacité du process transactionnel deviendra un élément majeur de la marge finale. Il suffit de voir la bataille des prix qui vient de s'engager aux Etats-Unis entre U.S. Airways, Northwest, AirTran, United, Continental, TWA, Delta, ATA, et American pour s'en convaincre. Non seulement les prix des billets sont à la baisse mais un nouveau "standard" est en train d'apparaître : Le prix des billets réservés on line est désormais inférieur de 5% aux réservations téléphoniques. Internet étant apatride, il est également évident que les batailles seront désormais non plus nationales mais bien à l'échelle des continents. Hors des frontières françaises, eBookers.com continue donc son expansion, basée essentiellement sur le rachat de sociétés off line. Si cette volonté de développement via des implantations traditionnelles peut se justifier pour nombre de facteurs tels le fulfilment ou encore la volonté d'avoir une clientèle pré-existante lors du lancement des sites nationaux, elle va pourtant à l'encontre des développements classiques des sociétés Internet. Ainsi Travelprice.com, qui a la volonté d'être le concurrent européen direct d'eBookers, a axé son expansion de façon uniquement virtuelle. De toutes façons, pour tous deux, leur expansion européenne à marche forcée nécessite des capitaux de plus en plus importants et il est bien possible que ce soit sur ce point qu'ils se départageront, faute d'assise financière suffisante. Rappelons qu'ebookers.com prévoit d'atteindre son seuil de rentabilité en fin 2001/début 2002. Travelprice indique quant à lui que la rentabilité sur son activité France uniquement est atteinte hors investissements mais que, compte tenu de son déploiement européen, son seuil de rentabilité serait atteint à fin 2002. Si le chiffre d'affaires d'eBookers continue de progresser (32,6 millions de dollars pour le 3ème trimestre 2000), les effets de sa synergie d'expansion on/off line ne sont pourtant pas encore impressionnants. En effet, le chiffre d'affaires réalisé hors royaume Uni n'est que de 63%, ce qui paraît faible étant donné le nombre de pays européens (Danemark, Finlande, France, Allemagne, Irlande, Pays-Bas, Norvège, Espagne, Suède et Suisse) dans lesquels la société britannique est aujourd'hui présente. Ceci est d'autant plus vrai que le territoire britannique est désormais bien occupé online ce qui n'y simplifie pas ses possibilités d'expansion. |
Ainsi Expedia.uk y talonne en permanence eBookers et ce tant en ce qui concerne les chiffres d'affaires réalisés que le nombre de visiteurs. Ce dernier point est intéressant puisqu'il sous-entend que les deux sociétés sont également à égalité en ce qui concerne leurs capacités de fidélisation et partant, leur taux de transformation des visiteurs en acheteurs. Mais si, pour l'instant, les sociétés online américaines se sont cantonnées à la Grande Bretagne pour des raisons culturelles et linguistiques évidentes, les choses sont en train d'évoluer rapidement. L'Europe est désormais un but majeur pour ces sociétés. La croissance de la population Internet américaine est fortement ralentie et les parts de marché BtoC, à l'exception des niches, vont être de plus en plus difficiles à conquérir aux Etats-Unis. L'eTourisme européen, encore en friche virtuelle, reste donc une cible encore accessible pour ces géants de l'eTourisme que sont les Expedia.com et Travelocity.com. Expedia a donc donné le coup d'envoi de son expansion européenne et commence depuis quelques semaines à installer ses équipes hors de Grande Bretagne. Travelocity devrait rapidement suivre et l'arrivée annoncée ce mois de Priceline en Grande Bretagne (avant d'attaquer les autres pays européens), sonne le glas de la tranquillité pour nombre d'acteurs locaux. Certes, pendant que certains se concentraient sur leurs territoires nationaux, d'autres comme eDreams.com s'attaquaient aux pays européens les moins développés en matière d'eTourisme ce qui a permis à cette start-up, en seulement quelques mois, de se positionner sur le marché du package en Espagne et en Italie. La facilité avec laquelle eDreams a pu prendre pied dans l'eTourisme européen (sans nier la qualité de ses prestations) montre bien la vulnérabilité européenne face à ces "appétits" extérieurs. Travelprice, également présent en Espagne et en Italie déclare aujourd'hui y être numéro un en ce qui concerne la vente de vols secs. Il est d'ailleurs intéressant de noter ici les différences d'impact entre la stratégie de développement d'eBookers et de Travelprice. eBookers a déjà acquis une société brick and mortar espagnole mais pour des raisons d'intégration à la structure on line n'a pas encore pu lancer son site espagnol. Dans le même temps, Travelprice, libéré de ces contraintes "physiques" est déjà positionné numéro un du vol sec dans le même pays. La bataille de l'eTourisme européen, boostée par la disparition de Leisureplanet.com a donc bien démarré et les mois à venir devraient être riches en rebondissements et prises de participations. |
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