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Paris, le 5 avril 2001 - numéro 2001-6
 
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  Guerre des chiffres, l'avenir de l'eTourisme est-t-il réellement entre les mains d'Orbitz ?  


C'est en tout cas la thèse soutenue par Jerry Hausman, professeur d'économie au M.I.T. (Massachusetts Institute of Technology) et résumée dans un document de 40 pages mis en ligne le 27 mars dernier.

Dans ses grands axes, cette étude constate tout d'abord que les cinq compagnies aériennes fondatrices du projet Orbitz détiennent à ce jour à elles seules 74% du marché aérien américain, un chiffre qui devrait passer à 85% si les consolidations en cours dans le secteur se concrétisent.

En effet, selon le professeur Hausman, contrairement aux affirmations d'Orbitz, le taux de rémunération des GDS aurait augmenté dans des proportions inférieures à celles du prix des billets d'avion de 1993 à 2000. Le prix des billets d'avion, de 1993 à 2000, aurait ainsi augmenté réellement de 4,97% par an contre 4,2% pour Sabre et 2,9% pour Galileo.

L'étude réfute les assertions du rapport Global Aviation Associates, diligenté par Orbitz, concernant la position de monopole qui serait détenue par les GDS (voir article eTourisme).

Mieux, sur les six dernières années, de 1995 à 2000, la marge d'exploitation des plus importants GDS aurait chuté d'environ 14%.

Ceci serait dû, selon Hausman, au fait que pendant cette même période, si effectivement le coût des systèmes informatiques a pu diminuer, le volume des informations à traiter pour l'émission d'un billet a augmenté de près de 25% par an par exemple en ce qui concerne la possibilité offerte de recherche des meilleurs prix. Ainsi, Sabre prévoit que ses coûts de Data processing devraient encore augmenter de près de 30% en 2001.

Il faut en effet savoir que les nouvelles fonctionnalités, telles l'eTicket, désormais offertes par les compagnies aériennes à leurs clients augmentent d'autant les volumes de données à traiter par les GDS.

Si donc la "toute puissance" des GDS, qui leur permettrait, selon Orbitz, de dominer le marché et d'imposer leurs prix ne semble pas aussi évidente que le rapport de Global Aviation Associates semblait l'affirmer, qu'en est-il de l'autre argument d'Orbitz, officiellement mis en avant à la création du site : celui de la domination de l'eTourisme par Expedia et Travelocity.

Selon le professeur Hausman, les parts de marché consolidées de Travelocity et d'Expedia représenteraient bien 54% de la totalité des pure players Internet de l'eTourisme. Par contre, en ce qui concerne la vente de billets d'avion, cette part de marché tomberait à 25% du volume de billets vendus online.

Or, lorsque l'on sait ce que représente le total des ventes de billets online comparé à celui vendu offline, il est difficile d'affirmer que le péril Travelocity/Expedia se trouverait déjà présent dans la demeure. En effet, rapporté au total des ventes de billets d'avions vendus on et offline, la part de marché de Travelocity et Expedia réunis ne serait en fait que de 1,25%.

La "puissance" de Travelocity et Expedia que le projet Orbitz est censé contrecarrer pour défendre les intérêts des consommateurs a par ailleurs été particulièrement démentie par l'un des initiateurs du projet Orbitz : Northwest Airlines.

 


On imagine en effet que lorsque vous êtes dans une position dite dominante, il vous est facile d'imposer vos vues à vos fournisseurs et clients. Or, il a suffit que Northwest Airlines décide de ne plus verser de commissions aux agences online pour découvrir que celles-ci étaient en fait totalement dépendantes du bon vouloir des… compagnies aériennes.

A noter en passant que la situation d'Expedia est aujourd'hui différente de celle de Travelocity puisqu'un accord est intervenu le 2 avril dernier entre Expedia et Northwest pour que l'agence online puisse percevoir non plus des commissions sur ventes mais une rémunération "spécifique" dans le cadre d'un accord global de distribution. Précisons également qu'Expedia est en charge du développement du site Web BtoC de Northwest Airlines ce qui place cet accord dans un cadre dépassant largement la problématique des commissions sur ventes.

Il n'en reste pas moins qu'à mon avis, il est fort probable qu'avant la fin de l'année 2001, les compagnies aériennes auront supprimé le versement des commissions de ventes aux agences online, en tout cas aux États-Unis. Ce jour là, la véritable puissance online sera effectivement passée du côté d'Orbitz et le risque d'augmentation des prix pour le consommateur sera devenu bien réel.

On peut donc penser que, si effectivement le poids de Travelocity et d'Expedia peut être considéré comme important au sein de l'eTourisme américain, ce poids est pour autant à relativiser lorsque l'on compare la puissance d'un producteur face à celle de son distributeur.

N'est-il donc pas plus inquiétant de constater que des producteurs représentant 85% de la totalité des vols domestiques américains pourront bientôt posséder en sus la qualité de distributeurs en direct via un seul site dédié et totalement inféodé ?

A ce titre, l'étude du professeur Hausman va beaucoup plus loin en estimant que si le projet Orbitz devait voir le jour, il coûterait aux consommateurs un surcoût de… 3,2 milliards de dollars.

Je reste pour ma part très prudent, voire dubitatif, sur les hypothèses retenues par M. Hausman pour calculer ce chiffre.

En effet, l'un des éléments clef de ce calcul repose sur le fait qu'Internet, en permettant aux compagnies aériennes d'afficher sur leurs sites Web des prix spéciaux, en dehors même des bases de données GDS, a entraîné un dérèglement des prix qui profite aujourd'hui aux consommateurs.

Le "système" Orbitz, en obligeant les compagnies aériennes à communiquer de façon centralisée chez Orbitz la totalité de leurs offres, leur permettra de mieux connaître en temps réel les prix pratiqués par les uns et les autres et donc… d'éviter de faire des promotions "inconsidérées".

Je pense pour ma part que ce dérèglement des prix aurait, étant donné l'évolution des techniques de tracking Internet, de toute façon été atténué à court terme. De plus, on ne peut sérieusement bâtir une théorie économique sur un dérèglement temporaire en fustigeant le retour à la normale.

Et ce d'autant plus que ce dérèglement ne peut, à mon sens, profiter qu'aux acteurs les plus importants du secteur ce qui signifie à terme disparition des plus faibles, plus forte consolidation du marché, etc…

En bref, si ce dérèglement devait persister, le consommateur n'en serait pas le bénéficiaire mais bien le grand perdant face à des acteurs devenus encore plus puissants. Il convient à ce titre de noter que si les cinq fondateurs actuels d'Orbitz représentent actuellement 74% du trafic domestique américain et représenteront demain 85%, ce n'est peut être pas non plus le seul fruit du hasard…

Pour être le plus objectif possible, il faut aussi préciser que le rapport du professeur Hausman a été diligenté par l'ITSA (Interactive Travel Services Association, dont les membres comprennent… Travelocity et Expedia), Southwest Airlines (qui ne fait pas partie du projet Orbitz) et l'ASTA (American Society of Travel Agents).

 
 


La guerre des chiffres par rapports interposés que sont ainsi en train de se livrer les deux camps opposés doit donc vous inciter à la plus grande prudence sur l'objectivité de leur contenu… c'est la raison pour laquelle, en fin d'article, je vous donne la possibilité de télécharger chacun d'entre eux pour que vous puissiez vous faire une opinion personnelle.

Pour ma part, il est évident que la vraie puissance se trouve plus aujourd'hui dans les mains des producteurs que dans celles des distributeurs.

Lorsque l'on a vu la facilité avec laquelle Northwest pouvait se permettre de couper du jour au lendemain les commissions allouées aux agences online canadiennes et américaines, on imagine l'impact de cette décision, pour l'instant isolée, si les autres compagnies aériennes avaient décidé de suivre Northwest.

Face à ce type de situation, il est clair que des sociétés encore fortement déficitaires comme Travelocity et Expedia se trouveraient immédiatement en grandes difficultés. On se rend bien compte ici que la puissance des producteurs est sans commune mesure avec celle des distributeurs et mon propos dépasse ici largement le cas de Travelocity et Expedia. En effet, comment de plus petits acteurs online seraient-ils capables de survivre à une action concertée des compagnies aériennes visant à supprimer les commissions online ?

La menace représentée par un nouvel acteur unique nommé Orbitz, réunissant sous son seul toit 85% de l'offre aérienne américaine ne peut donc pas non plus être prise à la légère.

Mais, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire dès juillet 2000 (voir mon article "Orbitz: No future ?"), toutes ces considération stratégiques font pour l'instant fi d'une donnée de base essentielle : quelle sera l'attitude du consommateur face à Orbitz ?

Nous avons en effet eu tant d'exemples dans l'eCommerce de projets gigantesques aux budgets et aux acteurs impressionnants mais qui se sont pourtant totalement effondrés …

C'est donc bien le consommateur qui aura demain le dernier mot.

Soit le site Orbitz sera effectivement de qualité et surtout réussira à rattraper l'énorme retard accumulé par rapport à ses concurrents et il sera alors temps de s'inquiéter, soit le manque de maturité online du projet ne sera pas comblé et/ou les internautes ne souhaiteront pas faire confiance à ce groupement monopolistique de compagnies aériennes et le pari sera définitivement perdu pour Orbitz.

Il ne faut en effet pas oublier que face aux promesses de prix bas proclamées par Orbitz, se trouvent des sites comme Hotwire.com qui pour l'instant réussissent quant à eux à tenir parfaitement les leurs.

Ce type de concurrent est à mon sens bien plus dangereux pour Orbitz que Travelocity ou Expedia.

Enfin, n'oublions pas un autre élément majeur pour le succès… ou l'échec futur d'Orbitz : son actionnariat.

Les concurrents féroces qui composent l'actionnariat d'Orbitz joueront-ils le jeu demain ? Les tentations des uns et des autres de faire cavalier seul, même de façon discrète, ne pourront-t-elles pas remettre en cause un édifice construit plus sur la peur de demain que sur une réelle unité entre ses bâtisseurs ? N'est-il donc pas possible d'imaginer que ce projet puisse "éclater" demain sous la force de ses propres pressions capitalistiques ?

L'avenir n'est donc pas aussi rose pour Orbitz que ses détracteurs semblent le penser et les jeux sont selon moi loin d'être faits.

Une seule chose est donc sure : la bataille promet d'être passionnante !

Sources :

  • Le rapport de Jerry Hausman du Massachusetts Institute of Technology, diligenté par l'ITSA et l'ASTA

  • Le rapport de Global Aviation Associates diligenté par Orbitz
 
   
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Directeur de la Publication de ce Site Internet : Luc Carton